Lectures Françoise

6/1/2025

CR Atelier de lectures lundi 16 Décembre 2024

Le dernier roman de Miguel Bonnefoy n’a pas fait l’unanimité dans notre groupe presque complet ce lundi. Rappelons que cet auteur franco- vénézuélien a déjà écrit plusieurs romans récompensés par plusieurs prix et traduits dans plus de vingt langues. « Le rêve du jaguar », prix Fémina 2024 et Grand Prix du roman de l’Académie  française 2024, est un long récit picaresque et poétique inspiré par l’histoire des grands parents de l’auteur dans un Vénézuela en pleine mutation pétrolière.

Ce qui peut nous dérouter à la première lecture, ce sont les ellipses nombreuses au bénéfice de scènes imaginées pour incarner des personnages hauts en couleurs. L’œuvre de M.B. est à la fois inspirée des histoires familiales maintes fois racontées et nourrie des mythes fondateurs ou légendes lus par l’auteur. C’est « un livre à la fois intimiste et universel ». Il «  tisse le réel avec la légende » et le lecteur peut rester sur le bord s’il ne reconnaît ni les personnages ni les étapes d’un récit traditionnel.

Mais si on se laisse embarquer dans un voyage lointain, toucher par l’histoire d’une lignée née dans la pauvreté mais douée d’une exceptionnelle  énergie - Antonio deviendra le meilleur chirurgien et Ana Maria la première femme médecin du pays - cette épopée du XXème siècle nous transporte.

Ajoutons à cela un style baroque aux phrases longues et aux images magnifiques, qui prônent la fidélité et la solidarité « comme un refuge au chaos du monde ». Cristobal, le petit fils, trouvera sa maison dans la lecture puis dans l’écriture comme un retour aux origines.

Un roman agréable à lire et qui ne cède pas à la morosité.

Nous avons lu :

Les âmes féroces   Marie Vingtras   Editions de l’Olivier   Prix FNAC 2024

A Mercy, petite ville tranquille du Midwest américain, une adolescente est retrouvée sans vie. Le crime ne fait pas de doute.

Quatre voix, sous forme de monologues intérieurs, se font successivement entendre : la shérif de la ville, un professeur de français dont Leo était l’élève, l’amie d’enfance de la victime, enfin, son père qui l’élevait seul après le départ brutal de son épouse.

Reprenant le schéma narratif de Blizzard (2021), l’auteure s’attache autant à résoudre l’énigme policière – et pour cela il faudra attendre les toutes dernières pages - qu’à nous plonger dans les ambiguïtés de l’âme humaine …

Cœur Thibault de Montaigu Editions Albin Michel Prix Interallié 2024

Alors que le héros accompagne son père mourant, celui-ci lui adresse une ultime requête : consacrer son prochain ouvrage à l’histoire de son propre père, capitaine de Hussards, mort héroïquement en 1914.

Commence alors une plongée dans l’histoire familiale sur plusieurs générations ; occasion pour père et fils de se rapprocher… plus que chacun ne l’aurait jamais pensé …

Des diables et des saints Jean Baptiste Andréa Editions L’Iconoclaste  

Grand Prix RTL – LIRE 2021

Dernier ouvrage de la trilogie de l’auteur, consacré à l’enfance – après Ma reine, 2019 et Cent millions d’années et un jour, 2021

Après le décès accidentel de ses parents et de sa sœur, Jo (Joseph) est accueilli dans un orphelinat,

« Les Confins », perdu au milieu des Pyrénées. Et rien ne sera facile alors pour lui …

Un très beau texte sur une enfance meurtrie sauvée par de belles rencontres et…la musique !  

Houris Kamel Daoud   Editions Gallimard Prix Goncourt 2024

Déjà évoqué dans une précédente séance (cf.  Le compte rendu du 30/9/2024)

Beau livre sur la condition féminine en Algérie et la guerre civile des années 1990 qu’il est interdit par une loi de de 2005, de raconter ou même d’évoquer.

Outre le sort dramatique de l’héroïne, symbolisant celui de nombre de ses consœurs, une certaine gêne s’est exprimée dans le groupe, ressentie lors de la narration des égorgements d’animaux, ritualisés dans les pratiques religieuses courantes dans ce pays.

Badjens Delphine Minoui Editions du Seuil

Présenté lors du précédent atelier du 18/11/2024, cet ouvrage, écrit par une journaliste franco-iranienne, a été très apprécié, comme d’autres œuvres de la même auteure.

Citons donc pour mémoire :  L’alphabet du silence (2023) ; Les passeurs de livres de Daraya (2017) ;

Je vous écris de Téhéran (2015) ; Les pintades à Téhéran (2007).

Parfois le silence est une prière   Billy O’Callaghan Christian Bourgois éditeur

Quel beau portrait de femme que celui de Nancy, jeune fille esseulée ayant quitté un jour sa petite île de Clear pour rejoindre Cork dans le sud de l’Irlande avec l’espoir d’y vivre des jours meilleurs.

Pourtant, les épreuves que lui infligera la vie seront nombreuses mais face à l’adversité elle gardera toujours courage et volonté, notamment pour défendre, seule, ses deux enfants.

Sur trois générations nous suivons cette famille atypique tandis que le récit s’empare, en parallèle, de l’Histoire de l’Irlande.

Un roman émouvant, sensible, sur les « gens simples » par un auteur qui ne manque pas, lui non plus, et comme le prouve son écriture, de simplicité.

Dors ton sommeil de brute Carole Martinez Editions Gallimard

Eva a fui son mari violent pour protéger sa fille Lucie, se réfugiant dans une cabane isolée au milieu des marais camarguais, avec pour seul voisin lointain un « presque géant » solitaire, accompagné de son chien et de son poste de radio…

Une nuit, dans un cauchemar, Lucie pousse un long cri, plutôt un hurlement, qui se propage en un rêve collectif à tous les enfants du monde, au rythme de la rotation de la terre, annonçant de terribles maux. Et ce cri se répètera, toujours annonciateur de pandémies et de fléaux, tels ceux de l’épisode de l’Ancien Testament sur les « Dix plaies d’Egypte ».

Mêlant réalisme, fantastique et onirisme écologique, la plume de Carole Martinez séduira qui se laissera emporter par sa très originale créativité.

Le métier d’écrire Correspondance (1940- 1985) Italo Calvino Editions Gallimard

Au travers des trois cent quinze lettres réunies ici, le lecteur accompagne les relations épistolaires d’Italo, écrivain et éditeur, avec de nombreux interlocuteurs connus tels : Alberto Moravia, Elsa Morente, Primo Lévy, Umberto Eco, Michelangelo Antonioni, Claudio Magris, Cesare Pavese, Pier Paolo Pasolini, etc. pour témoigner de ce beau métier d’écrivain.

Des lettres à « picorer » ici et là ou à aborder en séries selon le destinataire, pour mieux connaître cet amoureux de la « Littérature ».

Le voyant d’étampes Abel Quentin Editions de l’Observatoire

Prix de Flore 2021

Après un livre raté sur les époux Rosenberg où il plaidait leur innocence alors que la CIA révélait des documents prouvant leur rôle d’espions pour l’URSS, Jean Roscof, universitaire à la retraite publie un nouvel ouvrage sur un poète américain méconnu, communiste, ayant fui le maccarthisme et rejoint en France les existentialistes autour de Sartre, victime d’un accident de la route en Essonne près d’Etampes.

Et, là encore, Jean Roscof sera l’objet des foudres médiatiques, vilipendé, harcelé, hué, victime d’un véritable terrorisme intellectuel parce qu’ayant « négligé » un détail : l’homme était noir de peau !

Et sa vie devient un enfer face aux « éveillés » qui le jugent comme un horrible conservateur rétrograde, n’hésitant pas à l’attaquer, ainsi que sa famille…

Roman à la plume acide, caustique, cinglante et ironique sur nos pratiques sociales contemporaines qui vous dira tout sur le Wokisme et la « Cancel culture ».

A rapprocher de La tache de Philip Roth, (Prix Médicis étranger2000) ou  Disgrâce de J.M. Coetzee ( Man Book Prize 1999) et de la pièce d’Arthur Miller  Les sorcières de Salem (1953).

RV lundi 27 Janvier 2025

Lire : Impossibles adieux et/ou La végétarienne de Han Kang (Prix Nobel de Littérature 2024)

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